Rokia Traoré, garde en vue

Alexandre Duyck

Elle est l’une des plus grandes voix maliennes, extraordinaire ambassadrice de la culture africaine ainsi qu’une femme aux multiples engagements. Mais si la chanteuse Rokia Traoré fait aujourd’hui parler d’elle, c’est dans le cadre du conflit qui l’oppose à son ex-compagnon belge pour la garde de leur fille. Une guerre qui a mené l’artiste, après un séjour en prison, à fuir illégalement à Bamako. La preuve de sa radicalité pour les partisans du père. La seule issue possible pour ses nombreux soutiens.


Magazine : Le Monde

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Photos : Benjamin Bechet
Parution : 2020


Extrait

LE 20 JANVIER DERNIER, une femme se présente sur la scène de la maison de l’Unesco, à Paris. Vêtue d’une robe à épaules nues en dentelle grise brodée sur un voile rose pâle, les cheveux ras, Rokia Traoré livre, en langue bambara, un récital d’une beauté à couper le souffle. C’est l’inauguration de la 17e édition de la Semaine du son, un événement placé sous l’égide de l’Unesco. La chanteuse, auteure et compositrice franco-malienne, marraine de la Semaine, est l’invitée d’honneur de la soirée de gala, retransmise en direct dans 80 pays.

Le lendemain, Rokia Traoré se retrouve dans le bureau d’un juge d’instruction à Bruxelles. Depuis des mois, la séparation d’avec son ex-compagnon, le directeur artistique belge Jan Goossens, père de sa fille, née en 2015 à Bruxelles, vire à la guerre de tranchées. Avocats contre avocats, parole de l’un contre celle de l’autre, insinuations, attaques... La tristesse de deux parents qui se déchirent avec, au milieu, une fillette qui pose sur les photos d’anniversaire déguisée en papillon. Le couple s’accorde d’abord pour que la garde de la petite fille revienne à sa mère. Mais les relations s’enveniment et la justice belge décide finalement, en septembre 2019, de confier, la plupart du temps, l’enfant à son père.