Vichy, ville sans mémoire

Alexandre Duyck

Une bataille sémantique oppose les autorités municipales, lasses de l’appellation « régime de Vichy », aux historiens.


Magazine : Le journal du dimanche / Enquête

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Parution : 5 juillet 2020
Photo : Bernard Jaubert


Extrait

Quatre-vingts ans après l’installation du gouvernement de Pétain, Vichy demeure un lieu qui tourne le dos aux années 1940. « Qui n’assume pas son rôle par rapport au passé », précise Serge Klarsfeld. « Qui constitue un exemple unique en Europe de déni mémoriel », ajoute Henry Rousso. Il y a trois ans, RFI emmène l’historien, éminent spécialiste de la collaboration, pour une balade dans le centre-ville. Rousso, pour qui « oublier un crime, ce serait le commettre une seconde fois », est stupéfait. Il cherche désespérément des plaques, des explications, des mentions devant ces si nombreux lieux où s’est décidée la vie de tout un pays durant quatre ans. « C’est proprement impensable ailleurs en Europe, dit-il alors au micro de RFI. En Allemagne, aussi innombrables que soient les lieux, il n’y en a pas un sans une mention, le rappel neutre, factuel, de ce qui a pu se passer. Cette absence totale, volontaire de traces, [...] sans être ni dans la culpabilité ni dans la repentance mais [pour] faire simplement face au passé, est totalement incroyable. »